mercredi 13 mars 2013

CLEER

CLEER. L. L. Kloetzer. Éditions Denoël. 23 n€nes.

Charlotte et Vinh, deux jeunes cadres dynamiques viennent d'être engagés au service Cohésion Interne de la société CLEER, une immense multinationale présente sur tous les fronts. Leur rôle : faire respecter l'image de marque en notant et corrigeant au mieux les dérapages des diverses entreprises leur appartenant.
Et voilà en quelques lignes, un schéma très grossier de l'histoire de ce roman, c'est un peu indécent parce que pour bien donner la saveur de l'ensemble, il faut déjà tenter de comprendre et définir CLEER.
Qu'est-ce que véritablement CLEER ? Une gigantesque entreprise tentaculaire aux ramifications indéfinissables, oui, entre autre, c'est aussi et surtout un nom, CLEER est tout, est partout, est au dessus de tout.
La notion véritable d'entreprise productrice n'est plus, CLEER est une image de marque, c'est un symbole à tous les niveaux, économiques, politiques et sociales. Tout le monde connait CLEER, tout le monde rêve de CLEER (et rêve CLEER), elle est la représentation de l'absolu.
Et c'est à travers l'ascension de Charlotte et Vinh, à différents niveaux, que nous en avons un aperçu. En les suivant à travers plusieurs missions au sein de Cohésion Interne, l'organisme de CLEER chargé de faire respecter le cahier des charges de la société, on découvre un monde tout à fait à part, un univers étranger où seul ceux capables de se fondre avec leur travail, décidé à ne vivre que par le biais de leur implication dans l'organisation peuvent survivre dans ce monde où finalement l'humanité n'est qu'une composante secondaire d'un ensemble.

Le roman, sous titré "une fantaisie corporate", nous mène dans un milieu abscon pour les uns et familier sans doute pour d'autres. Ce n'est finalement que le portrait futur (présent ?) de certaines de nos multinationales actuelles et même si l'intégration de la part de l'auteur d'une dimension fantastique, magique, devrait nous indiquer le côté factice de tout ce macrocosme, il en décrit trop bien les traits principaux pour ne pas en voir l'écho dans notre société contemporaine.
Cette dimension magique justement est disséminée de telle sorte qu'elle s'intègre, se fond de manière inaperçu à l'ensemble.
Vinh peut sembler être un surhomme, il n'est que le produit de son conditionnement, de tout ce qu'il a vécu, de ses expériences, le fruit de son comportement arriviste et ambitieux, toujours prompt au dépassement de soi. Il veut être l'excellence, il en devient plus qu'humain... ou peut-être justement tout le contraire.
Charlotte est un autre modèle, elle est compétente, elle peut douter, n'a pas la force de caractère de son camarade mais elle a de l'empathie, de la réactivité et plus que tout ce pouvoir "magique" qui lui permet de déceler toutes les implications et les conséquences rien qu'en lisant le nom d'une personne où à travers un regard. Ce pouvoir, nommé dans le roman "méthode Karenberg", n'est autre qu'une évolution précise et imaginé de ce que pourrait être la psychologie que l'on connaît.
Ainsi CLEER laisse plus à penser à une sorte d'étrange et heureux mélange de récit d'anticipation et de fantasy légère. On y retrouve au final l'idée récurrente de quête propre à ce genre dans la conclusion du livre.

Mais si CLEER est fabuleux, il n'en est pas moins évident. Il me fut très difficile d'intégrer ce monde et mes premiers pas dans le roman se sont heurtés à tout un langage alors inconnu et incompréhensible où seul les protagonistes eux-mêmes paraissait se comprendre. C'est au fil du récit qu l'on apprivoise cet univers ou plutôt qu'il nous communique son environnement. Parce que CLEER, c'est ça, un récit sur la communication d'entreprise, on finit par s'y perdre nous aussi, lecteur, on s'y prendrait presque au "jeu", à vouloir la réussite de Vinh et Charlotte, à voir jusqu'où ils pourront aller.
Et c'est quand on croit entrevoir le fonctionnement, que l'on commence à comprendre le rôle de chacun que le roman nous perd encore plus, le travail et l'évolution se mélange à tel point que l'on ne sait plus où est l'intérêt de l'entreprise et l'intérêt personnel, il ne semble plus y avoir aucun des deux.

Voilà un étonnant livre qui, bien que souvent nébuleux pour moi, ne m'a pas laissé de marbre avec cette description d'un milieu corporatiste quasi-extraterrestre, dressant un portrait si proche et effrayant de certaines de nos multinationales. La couche "fantaisie" ne fait qu'ajouter et souligner cet aspect impénétrable. Une curiosité que je conseille.
Et dire que j'ai des copains qui sont pas loin de travailler là dedans, je leur souhaite bien du courage.

CLEER
be yourself

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